[ Intouchables ] Privé

Intouchables
Aramis Rockwell & Abrasive Mango

L'errance touchait à sa fin. Après de longs mois de solitude, le Baroudeur avait enfin trouvé sa terre promise. Il n'avait pas encore côtoyé les grands de ce monde qu'il se sentait déjà chez lui. Autour de lui, le silence régnait en maître. Le soleil vint réchauffer son corps sombre de ses caresses. Ses sabots effleurèrent le sable bouillant du désert, y laissant quelques traces anodines. Il était facile de le pister tant le noiraud n'y prenait pas garde. Le continent lui était encore énormément inconnu, mais sa soif d'aventures serait suffisamment grande pour qu'il dévale chaque lieux de coups d’œils vifs et curieux. Il était pressé de rencontrer d'autres personnes avec qui il aurait sûrement plus ou moins d'affinités et avec qui il aimerait bavarder. L'Oiseau avait beau avoir toujours connu la solitude, la présence de ses congénères lui était essentiel. Même s'il ne les fréquentait pas. Il en venait à regretter une part de son passé qui avait fait de lui un nouveau nomade, cherchant un asile où il pourrait se reposer durant ses vieux jours. Ses parents lui avaient inculqués bien des leçons sur la liberté, notamment celle où il devrait conserver la sienne le plus longtemps possible. Sa trop grande volonté d'appartenir à un troupeau nuisait à son libre arbitre et le mâle ne le savait que trop bien. Il avait laissé de côté sa soif de liberté le jour où il avait rencontré la rouquine. Depuis ce jour-là, son envie de rejoindre une patrie ne s'était faite que plus grande, lui brûlant les ailes à chaque refus. Mango était loin d'avoir une âme naïve qui se vouait aux paroles de certains comme si elles étaient précieuses. Pourtant, il s'était laissé berné plus d'une fois, croyant monts et merveilles. Il avait déchanté plus d'une fois et s'était toujours relevé. La rudesse de la vie ne l'avait pas épargné et le noir ne savait trop bien son prix.

Doucement, il secoua sa fine tête tachetée, libérant ses naseaux de l'emprise de la chaleur durant quelques secondes à peine. Depuis plusieurs minutes, un vautour surplombait le ciel azur et tournoyait au dessus de lui. Son cri déchira le silence et le mâle posa ses prunelles bleues sur le volatile. Un faible sourire apparut sur ses lèvres sèches. Il adorait les oiseaux et le sentiment de liberté qu'ils dégageaient. Plus jeune, il aurait tant voulu leur ressembler, voler quelques instants à leur place pour découvrir le monde sous un autre angle. Pointant les oreilles, Abrasive se perdit doucement dans les battements d'ailes de l'oiseau, oubliant sa condition au milieu du désert.

Son corps brûlant le rappela à l'ordre. De l'écume commençait à apparaître le long de ses muscles saillants, dessinant leurs traits particuliers. Il devait absolument chercher un abri pour faire descendre sa chaleur corporelle et se rafraîchir. Les longs mois d'errance lui avait appris qu'au beau milieu du désert, il y avait toujours un oasis, avec ou sans eau. Le Baroudeur connaissait également les mirages, qui lui avaient portés défauts plus d'un fois. Il prit appuie sur ses membres postérieurs pour se propulser vers l'avant, à la conquête de la source miraculeuse. Sa progression se fit des plus durs tant la température ambiante était élevée. Chaque fois qu'il posait ses sabots au sol, il ressentait une désagréable sensation de brûleur, qui le firent sursauter plus d'une fois. Après plusieurs minutes de calvaire, l'étalon s'arrêta, les yeux rivés sur l'horizon.

Devant lui, un palmier, entouré de verdure et surplombant un petit cours d'eau, semblait s'élever. S'y reprenant à deux fois, Abrasive secoua son épaisse encolure, n'y croyant pas. Cependant, il s'avança vers elle avec la ferme intention de se désaltérer. Mais une fois arrivé à l'endroit voulu, le mirage prit fin, laissant derrière elle une motte de sable semblable aux autres. L'oasis avait été trop belle pour exister réellement. Il poussa un fort hennissement en guise de contestation, visiblement irrité par le fait d'avoir été duper. C'est alors qu'il fit volte-face pour retourner de là où il venait avant d'apercevoir un individu s'avançait vers lui. Il semblait arborer un sourire, ce qui déstabilisa le noiraud. Non pas qu'il ne soit pas habitué, mais depuis qu'il était à nouveau nomade, il était devenu plus méfiant. Cela ne l'empêcha pas à s'avancer à son tour vers l'inconnu dont la robe était plus sombre que la sienne. De gabarit - et sur bien des points -, il le surpassait et le mâle était bien plus grand que lui. Le Baroudeur se pinça l'intérieur de la joue, pensant en premier lieu à sa survie. Si l'autre étalon envisageait un combat singulier avec lui et malgré ses atouts, Mango savait qu'il avait une infime chance, ce qui n'était pas énorme, de le remporter.

Arrivant à l'hauteur de l'individu, le noir lui rendit son sourire, plus avenant et accueillant. Il exécuta une brève référence pour le saluer, sans prononcer aucun mot. L'étalon devinait sans grand mal qu'il avait à faire avec un habitant des lieux et peut-être même son propriétaire et il se devait d'être respectueux. En attendant toute réponse de sa part, Abrasive chercha du regard le volatile qu'il avait quitté plus tôt.

Les crins collés contre sa peau, le Baroudeur paraissait mourir de chaud. La prestance du mâle en face de lui était à la limite d'un Roi et il semblait moins subir les ravages de la chaleur, ce qui étonnait quelque part le noiraud. Lui aussi avait été habitué aux plus hautes chaleurs qu'on pouvait imaginer, sur les nombreuses terres sur lesquelles il avait voyagé avant d'arriver ici. Pourtant, le Désert de Feu offrait une sécheresse plus dense et plus compliqué à supporter. Il se mit lentement à suffoquer, manquant de perdre son souffle à plusieurs reprises. Si le frison pensait avoir un être vulnérable en face de lui, il était loin du compte. Reprenant ses esprits rapidement, Mango reposa son regard pur sur l'inconnu qu'il ausculta d'un œil bienveillant.

Une fois que celui-ci fut assez proche de l'ancien nomade, il adopta une toute méthode d'accueil, ce qui le déstabilisa un peu. L'ébène garda cependant un rictus aux lèvres. Il commençait à réellement douter sur l'identité de son nouvel interlocuteur : et si c'était le Dominant des lieux ? L'Oiseau voulut une seconde faire preuve de respect envers lui en s'inclinant de nouveau, mais il se retient, préférant incliner légèrement sa tête bicolore. Il ne voulait pas essuyer une autre de ses nombreuses défaites, alors il prit les devants.

« Je vous souhaite bien le bonjour. À en juger votre allure, vous semblez demeurer ici depuis très longtemps, je ne me trompe ? »

Très respectueux, il avait ajuster le moindre de ses mots au potentiel statut de l'étalon. Non pas qu'il était différent avec d'autres personnages, mais il essayait de mettre toutes les chances de son côté. C'était la première rencontre qu'il faisait sur le nouveau continent et quelque part, il ne voulait pas qu'elle soit mauvaise, qui plus est, avec son irrésistible envie de rejoindre l'un des troupeaux environnants.

Ainsi commença une séance d'observation. Imitant leur nouveau compagnon, le frison se mit à l'encercler. Le noiraud était peu habitué à être épié de cette sorte et une sorte de malaise s'instaura entre eux. Malgré ça, le Baroudeur le laissa agir à sa guise, ne le quittant cependant pas du regard, prêt à bondir en cas de besoin. Non, mais pour qui le prenait-il ? Ses oreilles se mirent vers l'arrière, sans se coucher complètement. Son sourire se changea en un regard des plus méfiants, sans une once de peur. Il prouverait son courage et ses talents de guerrier en temps et en heure et ce ne n'était pas forcément le bon moment, au bon milieu de nul part.